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Cercle Genealogique de l’Aveyron
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Familles PEYTAVY-MAURY au 15ème siècle
Contrats de mariage, d’affrairement, etc. Analyse de Jean DELMAS
Article mis en ligne le 4 février 2022
dernière modification le 9 février 2022

par Jean DELMAS, Monique BRUNEL , Suzanne BARTHE

Nous tenons à remercier Monsieur Jean DELMAS pour l’énorme travail de transcription et d’analyse réalisé pour « le feuilleton des familles PEYRAVI-MAURI de La FAGEOLE de CORNUS ». Cette étude initiée il y a fort longtemps par André et Monique BRUNEL est un exemple de collaboration d’une équipe dont le but est l’entraide et la diffusion des connaissances. Nous devons tout d’abord saluer les travaux de nos grands anciens qui furent à l’initiative de la création de notre base unifiée, dont l’utilisation a tant apporté à nos chercheurs. Dans ce type de recherches, il nous semble que le maître mot doit être de « fédérer les énergies »… Un grand merci enfin à Claudine BRU qui par la recherche et la numérisation de ces documents aux AD a permis ce résultat…. Mais je laisse la plume à la cheville ouvrière de la présente étude, à savoir M. Jean DELMAS. S.B.

Cette étude fait suite, et vient en compléments, de nos précédents épisodes sur LA FAGEOLE DE CORNUS. La lecture de ces actes, même pour des personnes non concernées par ces familles, apporte un grand nombre d’information sur les "mœurs et coutumes" à la fin du XVème siècle.

Le contrat de mariage, puis l’affrairement d’Anthoni Peytavini, de la Liquisse Haute (Liquisia superior), juridiction de Nant, et de Catherina, fille de Johan Maurini, de La Fajola, juridiction de Cornus (4 février 1500, nouveau style)

Nous avons ici, plus qu’un simple contrat de mariage, un ensemble de cinq actes (cotés par nous de A à E), que le notaire paraît avoir allongés à plaisir en abusant de répétitions, de redondances qui couvrent 16 pages ! La matière est certes complexe, mais la forme devait-elle en rendre compte à ce point ?

Le notaire débute le contrat A par deux références, l’une religieuse (Genèse et Epitre de saint Paul aux Ephésiens), l’autre juridique sur la garantie que donne à l’épouse le régime dotal. Mais, cette considération sera contredite tout de suite après par l’acte B, qui est un affrairement, dont la particularité est justement d’éviter les contraintes de la dot, laquelle se fondra dans un patrimoine commun.

Le notaire est pris dans cette contradiction jusque dans son vocabulaire. Il emploie l’expression dos sive verqueria non seulement pour désigner l’apport du père de la future, ce qui est habituel, mais aussi, et peut-être plus justement, pour celui du futur dans le patrimoine de sa belle-famille. Le futur mari, [rouge]Anthoni Peytavini (Peytavy)[/rouge], de la terre de Nant, vient en effet, ainsi qu’on le saura par la suite, s’établir dans sa belle-famille, les [rouge]Maurini (Maury)[/rouge], de la terre de Cornus.

Ces derniers ont une culture de l’affrairement, dont nous avions constaté l’existence, favorisée par l’isolement, dans la partie rurale de la terre de Camarès [1] Mais la nouvelle cellule familiale d’[rouge]Anthoni Peytavini et de Catherina Maurina[/rouge] n’est pas close ; elle englobe en effet les parents de l’épouse qui certes sont chez eux à titre viager, mais qui partageront, selon la formule, le même feu, le même pain et le même vin avec les deux jeunes époux, lesquels devront les servir, sains ou, le cas échéant, malades. Mais, le père de Catherine, [rouge]Johan Maurini[/rouge] est déjà membre d’une autre cellule familiale, celle qu’il forme, suivi de sa femme et de sa fille, avec ses neveux Peyre et Vésian et que symbolise la cheminée commune (fornelum). En ce qui concerne cette société, le notaire n’emploie pas le terme d’affrairement. Il s’agit plutôt d’une indivision successorale qui remonte au décès de leur père et grand-père et qui se prolonge et se complique du fait, par exemple, que la dot d’Anthoni Peytavini est en partie mise en sécurité (in securo) entre les mains des neveux de Johan, cousins de Catherina, alors qu’ils ne sont apparemment pas concernés. La solution serait la fin de cette indivision, hypothèse qui est envisagée par les parties.

Jean Delmas

A - Le contrat de mariage

A. D. Aveyron, 3 E 19319, fol. 92-94.

1500 (1499 vieux style), 4 février

[Préambule religieux] « Au commencement du monde, Dieu, créant toutes choses, après qu’il eut créé l’homme du limon de la terre, lui retira une de ses côtes, disant : « Il n’est pas bon que l’homme soit seul ; donnons lui une aide semblable à lui. » Et de cette côte il fit sa compagne ; il les bénit et dit : « Croissez et multipliez vous et remplissez la terre. » D’où, l’Apôtre dit : « L’homme quittera son père et sa mère et il s’attachera à son épouse et ils seront deux en une seule chair. » Et ailleurs l’Apôtre dit : « Maris, aimez vos épouses, comme le Christ aime l’Église. » Il découle donc de ces deux références que le mariage a été institué par la parole de Dieu ». [2]

Suit le contrat de mariage d’[rouge]Anthoni Peytavini[/rouge], fils de feu Johan, du mas de la Liquisse Haute (Liquisia superior), juridiction de Nant, et de [rouge]Catherina[/rouge], fille de Johan Maurini, du mas de La Fajola, juridiction de Cornus.

[Préambule juridique] L’usage veut que la famille de l’épouse remette au futur mari une dot pour qu’il supporte les charges du mariage et que, si ce dernier prenait fin [du fait du décès du mari], la femme ne soit pas sans dot ni patrimoine (indotata et sine patrimonio).

En conséquence, [rouge]Johan Maurini[/rouge] remet en dot et « verquière » [3] (verqueria) à sa fille et à son futur mari la moitié de tous ses droits et biens meubles et immeubles, à savoir maisons, constructions en ruine ou annexes (cazalia, casature), champs prés, jardins, pâtures diverses (devesia, parranee  [4].), et toutes autres terres, cultes et incultes..., en friche ou non…, avec gros ou petit bétail..., literie…, honneurs et charges…, et tout ce qui en dépend.

  • 1- Johan Maurini fait la réserve suivante : lui et sa femme resteront les occupants de la maison et usufruitiers de ces biens, tant qu’ils vivront.
  • 2- Johan Maurini et son épouse se réservent le droit de léguer et de tester pour leur âme, tant sur la partie attribuée aux futurs mariés que sur leur part, en fonction de leurs biens et de leur statut.
  • 3- Le donateur, se réserve de doter ses autres enfants, nés ou à naître, garçons ou filles, sur leur part et celle qui est remise aux futurs mariés (?).
  • 4- Anthoni Peytavini, futur mari, doit ajouter la somme de 120 florins (le florin valant 15 sous tournois) aux biens donnés à Catherina par Johan Maurini, son père et par Peyre et Vésian Maurini frères, neveux de Johan et cousins de Catherina. Cette somme est payable en argent ou en marchandises équivalentes (tam in denariis quam denayratis). Sont compris dans cette somme 15 florins que Johan Maurini et Peyre et Vésian Maurini frères, oncle et neveux, tous trois en commun et indivis (communes et mejeri), doivent à Johan Peytavini, frère d’Anthoni (Cf. la reconnaissance de dette reçue par moi notaire) …
  • 5- Peyre et Vésian Maurini frères mettront en sécurité (in securo ponere) dans leur avoir 50 florins (ou plus ?), pris sur les 120 florins apportés par Anthoni Peytavini, futur mari de Catherina. Au cas où les deux frères et Johan Maurini, leur oncle, père de Catherina, dont tous les biens sont en commun et indivis, en viendraient au partage (venirent ad divisionem et despartimentum), ils devraient restituer cette somme de 50 florins à raison de 5 livres (?) tournois par an, le jour de la Saint Jean-Baptiste, jusqu’à complète restitution à Anthoni Peytavini.
  • 6- Pacte entre d’un côté les frères Peyre et Vésian Maurini et de l’autre les futurs mariés et Johan Maurini, père de Catherina : aucune des parties ne pourra se constituer un capital (cabale) ni s’approprier au-delà de 5 sous tournois et, dans ce dernier cas, le faire sans l’accord de l’autre partie.
  • 7- Une fois conclu le mariage, les futurs mariés doivent « s’affrairer » et se mettre en indivision (se affrayrare et communicare in medietate bonorum) pour les biens attribués par Johan Maurini à sa fille. En cas de décès de l’un des époux, sans enfant légitime, ces biens reviendront au survivant.

En conclusion , Johan Maurini établit les futurs époux comme vrais maîtres de leurs biens.

Juridictions concernées : les cours de la ville de Nant et du lieu de Cornus, de la vicomté de Creissels et de l’official de Vabres.

Fait au mas de La Fajola, à la cheminée (in forneli) des frères Peyre et Vésian Maurini et de Johan Maurini, père de Catherina .

Témoins : Religieux homme frère Jacques Raymundi, de l’ordre de Saint-Augustin [de Saint- Rome] de Tarn, Johan Calmelh du mas de La Faja [5] , Jacques Peytavini du mas de La Salvetat [6], Johan Roqua, Anthoni Roqua du mas d’Egalieyras, juridiction de Nant, Johan Roqueta du mas dels Palhiès, Anthoni Gran de Sainte- Eulalie, Anthoni Teysserii du mas de Caussanuejouls, juridiction de Cornus, Ramond Mercerii et beaucoup d’autres. Johan Bastide, notaire.

B- L’« affrairement » entre Anthoni Peytavini et Catherina Maurina

Références : 3 E 19319, fol. 94 vo- 95 vo.

[rouge]Anthoni Peytavini et Catherina Maurina[/rouge], âgée de plus de 15 ans et de moins de 25 ans, se sont mis en commun et associés en tous leurs biens meubles et immeubles, droits et actions, etc. Ils ont fait cette association ou affrairement (affrayramentum) de leurs biens et de leurs droits afin, comme ils l’ont dit, que leurs biens ne puissent pas être détournés mais au contraire se développent.

 Si les biens de l’un des époux « affrairés  » valaient plus au départ que ceux de l’autre, ou si à l’avenir leur valeur augmentait, chacun d’eux tirerait profit de la valeur ajoutée par l’un ou l’autre (magisvalencia). Ils se sont donc fait donation réciproque, dite entre vifs (inter vivos) et à jamais irrévocable, etc.

 Ils auront un même foyer, un même pain, un même vin, se chauffant, mangeant, avec Johan Maurini père de Catherine et son épouse, mère de Catherine, qu’ils serviront sains ou malades, tant qu’ils vivront, ou l’un des deux, si l’autre décède, et ils le feront comme de vrais enfants doivent le faire envers leur père et mère.

 Aucun des époux «  affrairés » (conjugues affrayrati) ne pourra engager des dépenses, au dessus de la somme de 5 sous tournois, sans l’accord de son conjoint.

 Au cas où l’un décéderait, sans enfant né de leur mariage, les biens et droits du prémourant reviendront de plein droit au survivant.

C et D- Dotation faite par Johan Peytavini à son frère Anthoni et quittance de celui-ci

Références : 3 E 19319, fol. 95 vo- 98 vo.

Johan Peytavini, fils de Johan, du mas de La Liquisse Haute, juridiction et paroisse de Saint-Martin de Nant, sachant qu’il a promis à son frère Anthoni en dot et « verquière », sur les droits et biens paternels, maternels, fraternels et des grands-parents, lui donne 40 florins, monnaie ayant cours, qui lui seront payés à raison de 3 florins chaque année au début du Carême (carnisprivium vetus [7]), à compter du prochain. Il n’y aura pas cumul des paiements.

E- Reconnaissance faite à Anthoni Peytavini par Peyre et Vésian Maurini

Mêmes références : 3 E 19319, fol. 99- 99 vo.

Peyre et Vésian Maurini, frères, du mas de La Fajola, reconnaissent avoir reçu dans leur avoir (= leur caisse commune avec Johan Maurini) d’Anthoni Peytavini, futur mari d’honesta filia Catherina, fille de Johan Maurini, la somme de 55 florins [8] de France, au titre de sa dot et « verquière ». Ils s’engagent à restituer cette somme, si Johan Maurini et eux décidaient la division (divisio et dispartimentum) des biens qui leur sont communs et indivis (bona mejeria).
Le règlement se ferait tous les ans à la Saint Jean-Baptiste, à raison de 5 livres chaque fois en déduction des 55 florins.

NDLR : Encore merci à Jean DELMAS pour cette étude !!!

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